NON-FICTION | 4 ÉPISODES | 2025
Vies et luttes des dockers du port de Dunkerque
« Je suis né en 1988, un an avant la chute du mur de Berlin, trois ans avant la chute de l’Union Soviétique. J’ai grandi en entendant partout que le capitalisme avait gagné. Qu’il n’y avait pas d’alternatives au néolibéralisme. Que l’avenir était à la dérégulation de l’économie, aux privatisations des services publics, à la délocalisation des usines. J’ai grandi dans le Cantal. L’un des départements les plus ruraux de France. Autant dire que les ouvriers je ne savais pas trop à quoi ça ressemblait.
Mais lorsque j’ai eu l’âge de comprendre ce qu’il se disait dans les médias et de m’intéresser à l’histoire, une question me revenait sans cesse : où est passé la classe ouvrière ?
En 2014, j’ai eu un début de réponse. J’ai rencontré à Dunkerque un petit groupe d’anciens dockers. Il y a François, Georges et Louis. Leur histoire m’a frappé. C’est comme s’ils étaient le chaînon manquant. Celui qui relie la classe ouvrière du 20e siècle à celle des mouvements sociaux du 21 siècles. L’étape qu’il me manquait.
Comme moi, beaucoup de personnes de ma génération et des suivantes ont grandi sans aucune représentation de la classe ouvrière. Aujourd’hui, les ouvriers sont désespérément absents de nos médias. Ainsi, une transmission n’a pas eu lieu. C’est pour ça que je juge essentiel de revenir un peu en arrière et de raconter ces histoires et de faire entendre ces voix. Pour comprendre où nous en sommes aujourd’hui politiquement et pour reconstruire des imaginaires pour résister au fascisme qui vient. »
Antoine Tricot